Collaboration « One Health » sur une bactérie multirésistante aux antibiotiques chez les chevaux
Des scientifiques de l’Anses, de l’unité mixte de recherche Dynamicure (Inserm/universités de Caen et de Rouen) et du CHU de Caen se sont associés pour étudier Klebsiella pneumoniae, une bactérie pathogène pour les humains et les chevaux. En analysant les souches de Klebsiella pneumoniae prélevées sur des équidés pendant près de 30 ans, ils ont constaté une grande diversité des souches et l’augmentation de la résistance aux antibiotiques chez certaines d’entre elles.
La bactérie Klebsiella pneumoniae est une préoccupation majeure pour la santé humaine comme pour celle du cheval. Chez l’humain, certaines souches sont devenues résistantes à de multiples antibiotiques, y compris à des traitements de dernier recours. D’autres souches sont hypervirulentes : elles se multiplient rapidement et peuvent provoquer des symptômes potentiellement mortels, comme des pneumonies. Chez le cheval, la bactérie est à l’origine entre autres d’avortements et de mortalité. Son suivi est obligatoire chez certaines races pour éviter sa transmission sexuelle.
Cette bactérie a fait l’objet d’un article scientifique dans Frontiers in Microbiology en début d'année grâce à une collaboration entre l’unité Physiopathologie et épidémiologie des maladies équines du Laboratoire de santé animale de l'Anses (site de Normandie), de l’unité mixte de recherche Dynamicure et le CHU de Caen.
L’objectif était d’analyser la résistance aux antibiotiques de souches de Klebsiella pneumoniae isolées chez des chevaux et la présence de gènes dans le génome de ces souches favorisant une plus grande virulence. L’une des questions était de savoir si les chevaux étaient porteurs de souches préoccupantes pour l’être humain.
L’Anses conserve une collection de souches isolées lors d’autopsies réalisées sur des chevaux depuis 1996. L’ensemble des souches de Klebsiella pneumoniae de cette collection a été pris en considération dans l’étude, indépendamment de la cause de mortalité des animaux. Des souches isolées de prélèvements de dépistage ou de confirmation d’une infection par le laboratoire Labéo ont également été incluses.
Une population de bactéries spécifique aux équidés
« Les équipes du CHU ont été étonnées par la grande diversité de souches présentes dans les échantillons équins, comparées à celles habituellement présentes chez l’humain. 83 groupes différents ont été trouvés sur 119 souches analysées. Même si certains peuvent aussi se retrouver chez l’être humain, la plupart sont spécifiques aux équidés. », explique Sandrine Petry, responsable de l’équipe Bactériologie de l’unité Physiopathologie et épidémiologie des maladies équines à l’Anses. Ce constat montre qu’il y a donc peu de transmission de bactéries entre les chevaux et les êtres humains.
La résistance à 35 antibiotiques utilisés en médecine humaine ou vétérinaire a été testée. 39 % des souches de Klebsiella pneumoniae étaient résistantes à au moins trois familles antibiotiques (multirésistantes). Cette proportion augmente avec le temps : si 18,8 % des souches prélevées lors des autopsies pratiquées entre 1996 et 2007 sont résistantes, cette proportion atteint 39,1 % entre 2008 et 2020. Cette augmentation est probablement une conséquence de l’augmentation de l’utilisation des antibiotiques en filière équine dans cette même période.
De nouvelles souches de bactérie à surveiller
Les souches hypervirulentes représentent 9 % des souches analysées. La moitié de ces souches sont également multirésistantes. Certaines souches de Klebsiella pneumoniae secrètent une capsule qui les protège du système immunitaire. Elles sont donc habituellement considérées comme plus virulentes que les autres. « Seuls trois types de Klebsiella pneumoniae avec des capsules sont considérés comme sexuellement transmissibles chez les chevaux et font l’objet d’une surveillance obligatoire chez certaines races équines, explique Sandrine Petry. Or, les résultats de l’étude montrent que les souches hypervirulentes et/ou multirésistantes de Klebsiella pneumoniae ne se limitent pas à ces trois types capsulaires ». Il faudrait donc élargir la surveillance à ces bactéries en améliorant les outils de détection actuels, qui ne tiennent compte que de trois types capsulaires et d’aucun gène marqueur d’hypervirulence.
Cette étude, réalisée sur une collection de bactéries provenant majoritairement de chevaux vivant en Normandie, offre un premier état des lieux des Klebsiella pneumoniae affectant les équidés, mais il faudrait étendre ces travaux pour avoir une vision plus globale de la situation.