La fièvre Q, une maladie qui peut passer des ruminants à l’être humain
La fièvre Q est une maladie souvent méconnue, bien qu’elle soit répandue partout dans le monde et qu’elle ait été découverte il y a près d’un siècle. Elle peut causer des problèmes de reproduction chez les brebis, les chèvres et les vaches et se transmettre aux humains. Généralement sans gravité, la maladie peut toutefois entraîner des complications ou se développer des mois ou des années après l’infection.
Qu’est-ce que la fièvre Q ?
La fièvre Q (Q pour « Query », doute en anglais) est causée par la bactérie Coxiella burnetii. Elle peut infecter la plupart des espèces animales de la faune domestique ou sauvage. La bactérie ne provoque majoritairement pas de symptômes chez les animaux infectés mais elle peut entraîner des avortements et des mort-nés chez les ovins, les caprins et les bovins. Des problèmes d’infections de l'utérus et d’infertilité ont été suggérées mais aucune preuve directe n’a été rapportée. Il s’agit d’une zoonose, c’est-à-dire qu’elle peut être transmise à l’être humain.
Quels sont les symptômes chez l’être humain ?
On estime qu’environ 40 % des infections chez l’être humain provoquent des symptômes. Dans la plupart des cas, ceux-ci prennent la forme d’un syndrome grippal. Des complications de type hépatite ou pneumopathie peuvent s’ajouter à un état fébrile. Celles-ci dépendent en partie des souches bactériennes de Coxiella burnetii. Ainsi la souche dite « guyanaise » est associée à des infections pulmonaires sévères.
La bactérie peut également provoquer des naissances prématurées ou des avortements chez les femmes enceintes mais l’incidence exacte est difficile à estimer.
Les connaissances manquent aussi sur la proportion de personnes qui éliminent la bactérie après l’infection et celles qui restent porteuses. Pour environ 1 à 5 % des personnes infectées, Coxiella burnetii peut entraîner des formes cliniques persistantes, plusieurs mois ou années après l’infection. Globalement, de telles affections peuvent être très invalidantes. Les formes les plus graves sont l’endocardite ou le syndrome de fatigue chronique. Plus rarement, l’expression clinique peut se traduire par des atteintes neurologiques ou rhumatologiques.
Comment la maladie se transmet-elle aux êtres-humains ?
Les élevages ovins et caprins sont la principale source de contamination de l’être humain. La transmission de la fièvre Q entre humains est anecdotique et l’humain est considéré comme un cul de sac épidémiologique.
Les animaux infectés, même sans manifester de symptôme, peuvent excréter des bactéries par les secrétions vaginales, le placenta, le lait et les excréments. La voie d’infection principale est respiratoire : les bactéries peuvent être remises en suspension dans l’air, seules ou avec des poussières, puis inhalées.
La particularité de Coxiella burnetii est de pouvoir développer des formes de résistance, qui peuvent survivre à l’air libre plusieurs semaines ou mois et être disséminées. Ces formes s’apparentent à des spores. La transmission vers les êtres humains dépend donc d’une combinaison de facteurs favorisant la diffusion aérienne des spores bactériennes à partir des élevages infectés (le vent, la topographie des lieux, l’hygrométrie, …), ou de leur remise en suspension dans l’air (épandage des fumiers, …). Le transport d’animaux ou de produits d’origine animale peut aussi contribuer à la diffusion de la bactérie.
Le risque d'infection après ingestion d’un aliment contaminé fait encore l'objet de discussions. Dans un avis de 2010, l’Anses a conclu que les connaissances actuelles indiquent que la consommation de produits laitiers cru provenant d'animaux infectés peut entraîner une réponse immunitaire mais aucune manifestation clinique.
Quelle est la situation épidémiologique au sein des élevages français ?
En France, un programme a été conduit entre 2012 et 2015 afin de disposer, pour la première fois à l’échelle nationale, d’informations épidémiologiques sur la fièvre Q chez les ruminants. Cette étude a montré une grande variabilité selon les secteurs géographiques. Globalement, de nombreux élevages sont séropositifs, ce qui signifie qu’ils ont été exposés à la bactérie (36 % en bovin, 56 % en ovin et 61 % en caprin). Les fermes les plus touchées par des épisodes abortifs dus à la fièvre Q sont plus souvent caprines (2,7 % en bovin, 6,2 % en ovin et 15,8 % en caprin). Suite à ce programme, l’Observatoire et suivi des causes d'avortements chez les ruminants (OSCAR) a été mis en place courant 2017. Ce dispositif prototype suit les avortements d’origine infectieuse, dont la fièvre Q, dans des départements volontaires.
Y a-t-il un suivi des cas d’animaux infectés par la fièvre Q ?
La fièvre Q animale est soumise à déclaration et surveillance obligatoire au sein de l’Union européenne depuis 2021 selon la « Loi de Santé Animale » (Règlement (UE) 2016/429 relatif aux maladies animales transmissibles). Cette obligation concerne quatre espèces de ruminants : chèvre, mouton, vache et bufflon. Cependant, les dispositifs de surveillance existants sont encore imparfaits et les modalités de la surveillance animale sont encore en cours d’élaboration dans certains pays comme la France.
Connait-on le nombre de cas humains de fièvre Q par an ?
La déclaration des cas humains n’étant pas obligatoire en France, le nombre de cas humains est sous-estimé. Le volet humain de la fièvre Q est suivi par l’Institut Méditerranée Infection à Marseille, qui est le Centre National de Référence (CNR) pour cette maladie. Il recense une partie des cas humains sporadiques par sa propre activité de diagnostic et de suivi clinique. De 100 à 300 cas sont ainsi confirmés par an.
Les cas sont souvent sporadiques. La fièvre Q semble répandue sur tout le territoire, et est très présente dans certaines régions comme en Guyane française.
Des cas humains surviennent parfois sous forme groupée dont l’origine précise n’est pas toujours identifiée. Le plus souvent, les moutons ont été associés à l’origine des cas groupés en France.
Quelles sont les personnes à « risque » ?
On distingue le « risque d’exposition » et le « risque de développer une maladie ». Les personnes les plus exposées sont celles travaillant dans les filières d’élevages ou habitant à proximité. Cependant, les populations qui côtoient ponctuellement un environnement contaminé semblent les plus à risque de développer une maladie.
Certains facteurs sont bien documentés : le passage à une endocardite ou d’infections vasculaires est plus fréquent chez les patients atteints de valvulopathie cardiaque, d’anévrismes vasculaires ou porteurs de prothèses vasculaires.
Quelles sont les moyens de contrôles ?
Il existe un traitement antibiotique efficace pour les patients contre la fièvre Q, mais il peut durer plusieurs années et génère souvent une forte fatigue. De plus, un diagnostic précoce est important pour garantir son efficacité. Par ailleurs, aucun vaccin contre la fièvre Q humaine n’est autorisé en France en raison d’incertitudes sur les effets secondaires.
La prévention de la maladie est donc cruciale. Elle repose principalement sur la limitation de la diffusion de la bactérie chez les animaux et dans l’environnement. Des mesures vétérinaires peuvent aider à diminuer la pression d’infection dans les élevages, en particulier après un épisode d’avortements provoquant une excrétion massive de bactéries dans l’environnement. Il est proposé de combiner la vaccination des jeunes animaux pendant au moins 3 ans, la destruction des placentas et des avortons, une gestion du fumier adaptée et le nettoyage des équipements et des véhicules.
Des études sont encore nécessaires pour préciser diverses modalités de ces mesures en fonction des situations épidémiologiques. Les mesures de protection individuelle telles que le port du masque, sont aussi préconisées pour protéger les travailleurs et les visiteurs.
Une éradication de l’infection en élevage ne semble pas envisageable, du fait de la circulation aérienne des bactéries et de la multitudes d’espèces animales pouvant être porteuses, comme les rongeurs, chiens et chats ou oiseaux.
Quel est le rôle de l’Anses sur la fièvre Q ?
L’unité Fièvre Q animale du laboratoire de Sophia Antipolis de l’Anses porte deux mandats de référence pour la fièvre Q : au niveau national (LNR) et pour l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). Son rôle est de fournir une assistance et des conseils scientifiques indépendants. Elle participe régulièrement à des travaux d’expertise et fournit un appui aux acteurs de la santé animale.
Ses actions principales portent sur l’évaluation des tests diagnostiques et épidémiologiques, y compris ceux commercialisés, de manière à assurer des résultats fiables et comparable à l’échelle d’un réseau de laboratoires de diagnostic locaux.
À la demande de l’Autorité européenne de sécurité des aliments et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l’unité est chargée d’améliorer la qualité et l’harmonisation des données de surveillance de la fièvre Q animale rassemblées dans le rapport annuel européen sur les zoonoses. Ce travail s’effectue avec les organismes italiens Istituto Zooprofilattico Sperimentale (IZS) et Istituto Superiore di Sanità (ISS).
L’équipe participe également aux enquêtes d’épidémiologie suite à des alertes de cas humains groupés, afin de retracer l’origine des contaminations et de conseiller les mesures à mettre en place pour éviter de nouvelles infections, en appuyant le groupe de suivi fièvre Q de la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale.
Avec ses partenaires, les efforts de recherche de l’unité sont mobilisés sur trois axes :
- La caractérisation des souches : améliorations des méthodes d’isolements de souches, études de degrés de virulence et des capacités de résistance dans l’environnement, développement d’outils génétiques plus performants pour identifier certaines souches plus dangereuses.
- La description épidémiologique chez les ruminants, en particulier la contamination environnementale. L’objectif est de mieux cerner la grande variabilité des configurations épidémiologiques et de définir des indicateurs de risque d’exposition aérienne ou d’impact sur la santé humaine et animale.
- L’amélioration des interventions préventives ou faites lors de la survenue de clusters humains : coordination avec les acteurs de santé animale et humaine et les éleveurs, options de gestion vétérinaire adaptées aux risques et respectueuses de l’équilibre microbiologique protecteur dans les fermes.