Le programme européen EPILOBEE
L’Europe mobilisée sur la santé des abeilles
Devant la nécessité de disposer de données comparables dans chaque pays, ainsi que de méthodes communes de mesure de la mortalité des colonies d’abeilles, l’Anses a été mandatée pour coordonner EPILOBEE, un programme de surveillance active de la mortalité des colonies d’abeilles, co-financé par la Commission européenne et les Etats membres, mis en œuvre au sein de 17 Etats membres. Durant deux ans, un grand nombre de données a ainsi pu être collecté concernant les mortalités des colonies d’abeilles, la présence des principales maladies infectieuses et parasitaires et les facteurs de risque associés.
Depuis plusieurs années, un phénomène d'affaiblissement et de mortalité des colonies d'abeilles est constaté dans de nombreux pays. L’Anses est fortement mobilisée sur le sujet de la santé des abeilles, dont elle a fait une de ses priorités au regard de l’importance du rôle de ces insectes pollinisateurs dans la production de miel, dans le maintien de la biodiversité et en tant qu’indicateur de la santé de l’environnement.
La nomination en 2011 du laboratoire de Sophia Antipolis de l’Anses au titre de laboratoire de référence de l’Union européenne pour la santé de l’abeille a été une étape essentielle dans la reconnaissance de l’effort de recherche et de référence conduit depuis de nombreuses années par l’Agence dans ce domaine. C’est dans ce cadre que le laboratoire a été mandaté pour coordonner un programme de surveillance active de la mortalité des colonies d’abeilles en Europe, intitulé EPILOBEE et co-financé par la Commission européenne et les Etats membres. Chacun des 17 Etat membres participant au projet a élaboré un protocole de surveillance basé sur des lignes directrices produites par le laboratoire de l’Anses.
A la demande de la Commission européenne, EPILOBEE a centré son travail sur la mise en place de critères harmonisés de mesure de l’affaiblissement des colonies et l’observation des pathologies infectieuses des abeilles. Ce projet européen n’a pas intégré la détection de pesticides, mais il devrait contribuer à proposer des travaux de recherche et de surveillance toujours plus exhaustifs, permettant de prendre en compte l’ensemble des facteurs potentiellement à l’origine des phénomènes de mortalité constatés, comme l’Anses le pratique déjà dans son laboratoire de Sophia-Antipolis et dans le cadre de ses travaux d’évaluation des risques.
Principaux résultats du projet EPILOBEE
Durant deux années consécutives, ce programme a produit une quantité importante de données qui permettent d’ores et déjà de mieux estimer la variabilité des taux de mortalité en fonction des zones géographiques en Europe. Un premier rapport publié au mois d’avril 2014 présentait les résultats obtenus durant la première année du projet. Le rapport publié le 30 avril 2015 concerne la seconde année et permet d’évaluer l’évolution des mortalités des colonies d’abeilles durant les deux années consécutives.
Durant les deux années d’EPILOBEE, plus de 176 745 colonies d’abeilles ont été visitées. Les taux de mortalité hivernale sont globalement plus faibles au cours de la seconde année, variant selon les pays de 2,4% à 15,4% (de 3,2% à 32,4% l’hiver précédent). Dans un tiers des pays membres participants, le taux de mortalité hivernale est inférieur à 10%. Des différences interrégionales ont été observées. Un hiver plus doux la seconde année de l’étude pourrait, en partie au moins, expliquer la baisse de mortalité observée.
Les taux de mortalité des colonies pendant la saison apicole (printemps-automne 2014) sont compris entre 0,04% et 11,1%. Plus faibles que les taux de mortalité hivernale, ils sont globalement identiques à ceux de la saison précédente.
En ce qui concerne la prévalence des maladies affectant la santé des abeilles, une tendance globale à la baisse a été observée la seconde année, même si cette baisse n’est pas statistiquement significative pour plusieurs pays.
Pour la loque américaine et la loque européenne (deux maladies du couvain dues à des bactéries), les prévalences ont été respectivement inférieures à 12% et 8% dans tous les pays membres pour les deux années.
Aucun foyer de parasites exotiques à l’Europe, Aethina tumida (petit coléoptère des ruches) ou Tropilaelaps spp. (acariens) n’a été détecté au cours du projet. Il convient de noter que l’introduction d’A. tumida a été détectée en Italie en septembre 2014 après la fin des visites de ruchers effectuées dans le cadre d’EPILOBEE.
Par ailleurs, des cas de varroase ont été enregistrés dans presque tous les Etats membres et des cas de nosémose ont été observés dans 10 pays durant la seconde année du programme, la prévalence de la maladie ne dépassant 10% que dans 3 de ces Etats. Enfin, seuls quelques cas de paralysie chronique ont été détectés durant les deux années du programme.
Quelles perspectives après EPILOBEE ?
Le programme européen EPILOBEE a permis d’obtenir un grand nombre de données sur la mortalité des colonies d’abeilles mais aussi sur la situation sanitaire des colonies, l’utilisation de traitements vétérinaires, ainsi que l’environnement des ruchers visités, au sein de 17 Etats membres participant au projet. L’analyse de l’ensemble de ces données est en cours et conduira à explorer les liens statistiques entre les pertes de colonies et les données recueillies afin d’identifier certains des facteurs de risque impactant la santé des abeilles. Ces données descriptives sont une base indispensable à la réalisation d’études à visée explicative de la mortalité des abeilles.
Au niveau français, le programme de surveillance est conduit par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère en charge de l’Agriculture (dispositif Résabeille) dans le cadre de la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (Plateforme ESA) et les données obtenues sont analysées par l’Anses. La France est précurseur sur le sujet de la compréhension de l’implication des pesticides dans les phénomènes d’affaiblissements des colonies d’abeilles. En effet, la DGAL implique aujourd’hui l’Agence, en complément du programme Résabeille, sur un volet « écotoxicologie » qui consiste à détecter la présence de pesticides dans des échantillons de miel et de pain d’abeilles issus de ruchers ayant été visités durant le projet EPILOBEE. Les données ainsi obtenues sont analysées à l’Anses dans le cadre de la Plateforme ESA et seront intégrées dans l’analyse des facteurs de risques de la perte des colonies.
Anses et santé des abeilles
Au mois de septembre 2014, suite à la détection de la présence du petit coléoptère des ruches A.tumida dans le sud de l’Italie, l’Anses a coordonné la production des lignes directrices pour sa surveillance à l’échelon européen. De plus, afin de renforcer le dispositif de vigilance en France, des formations ont été organisées notamment en début d’année 2015, par le laboratoire de Sophia Antipolis, en partenariat avec la DGAL.
La vigilance vis-à-vis d’A. tumida a été intégrée dans la thématique 'Abeilles' de la Plateforme ESA. Une mise à jour régulière, concernant l’évolution de cette introduction est effectuée à la fois sur le site de la Plateforme ESA et sur le site du laboratoire de référence de l’Union Européenne.
Par ailleurs, le Laboratoire de Sophia Antipolis travaille à la mise au point et à la validation de méthodes de détection et d’identification des pesticides toxiques pour l’abeille dans l’ensemble des matrices apicoles (abeilles, larves, pollen, miel, pain d’abeilles, nectar).
Le laboratoire a également participé à l’autosaisine de l’Anses sur les co-expositions des abeilles et des colonies d’abeilles à différents facteurs de stress (agents pathogènes, produits phytosanitaires, médicaments vétérinaires, etc.).
Enfin, forte de ses compétences dans l’évaluation des produits phytosanitaires, l’Anses est aussi sollicitée afin de faire évoluer les documents guides pour l’évaluation des risques liés aux produits phytosanitaires pour l’environnement, et, en particulier, pour les abeilles.