Pollution de l’air dans les enceintes ferroviaires souterraines et risques pour la santé des travailleurs
La qualité de l’air dans les enceintes ferroviaires souterraines constitue un objet de préoccupation depuis plusieurs années. Compte tenu de la pollution de l’air mise en évidence dans ces enceintes et des durées de fréquentation des travailleurs y exerçant leur activité professionnelle, des interrogations se posent sur les risques sanitaires à long terme liés aux polluants de l’air présents dans ces enceintes et encourus par ces professionnels. C’est pourquoi l’Anses a été saisie de cette question par les ministères en charge de la santé, du travail et de l’environnement.
Les conclusions des travaux publiés ce jour relatives aux risques sanitaires associés aux particules fines pour les différents travailleurs intervenant dans ces espaces conduisent l’Agence à préconiser la poursuite et la mise en œuvre de mesures de prévention et de réduction des expositions des polluants dans l’air. Par ailleurs, l’Agence recommande que des travaux de recherche soient conduits sur la toxicité spécifique à long terme des particules présentes dans l’air des enceintes ferrovaires souterraines.
Le contexte
Depuis le début des années 2000, des mesures de la qualité de l’air sont réalisées dans des enceintes ferroviaires souterraines (stations RER et métropolitaines à Paris, Lille, Lyon, Marseille, Rennes, Toulouse). Celles-ci ont notamment mis en évidence des concentrations en PM10 très supérieures à celles mesurées dans l’air extérieur. Les constituants majeurs identifiés sont différents métaux dont le fer, du carbone élémentaire et du carbone organique. D’autres polluants chimiques, présents à des concentrations parfois supérieures à celles mesurées à l’extérieur, ont été identifiés tels que des hydrocarbures aromatiques (toluène, phénanthrène, fluoranthène, anthracène et pyrène), et plus rarement le benzène, le dioxyde d’azote et le benzo(a)pyrène.
La connaissance de la toxicité des particules en suspension dans les enceintes ferroviaires souterraines apparaît bien plus limitée que pour les particules de la pollution atmosphérique urbaine. Dans ce contexte, l’Anses a été saisie par la Direction générale du travail, la Direction générale de la santé et la Direction générale de la prévention des risques pour la réalisation d’une expertise relative à la pollution chimique de l’air des enceintes de transports ferroviaires souterrains et aux risques sanitaires associés chez les travailleurs.
Les objectifs
Tout d’abord, le premier objectif est de réaliser un état des connaissances sur la pollution chimique de l’air dans les enceintes ferroviaires souterraines, sur la toxicité associée aux polluants, en particulier les particules en suspension, sur l’exposition individuelle des travailleurs, sur les effets sanitaires associés à cette exposition et sur l’efficacité des politiques de gestion existantes.
Sur cette base, le second objectif est d’évaluer les risques sanitaires des travailleurs exposés à cette pollution.
Et le cas échéant, le troisième objectif est de proposer des axes de recherches et de pistes de gestion pour réduire cette pollution et les risques sanitaires associés chez les travailleurs, en intégrant une réflexion sur les modalités d’articulation avec la gestion de l’exposition des usagers des transports.
Pollution de l’air dans les enceintes ferroviaires souterraines et risques pour la santé des travailleurs
Dans les enceintes ferroviaires souterraines, la pollution de l’air est dominée par la problématique des particules en suspension. La concentration des particules mesurée dans l’air est souvent exprimée en PM10 et en PM2,5 : il s’agit de particules qui pénètrent dans l’appareil respiratoire, capables, pour les plus fines (PM2,5) de se déposer au niveau des alvéoles pulmonaires.
Les concentrations massiques de PM10 et PM2,5 mesurées dans les enceintes ferroviaires souterraines en France et à l’étranger sont très supérieures à celles mesurées dans l’air extérieur et dans l’air intérieur des logements. La source majeure de ces particules, riches en métaux dont principalement le fer, et en carbone, est l’usure des matériaux par la friction roue-frein des rames de voyageurs, suivie du contact roue-rail et du contact entre le matériel roulant et le système d’alimentation électrique.
Les particules de l’air dans ces enceintes ont des caractéristiques physicochimiques différentes des particules de l’air extérieur. Sur le plan épidémiologique, les données disponibles relatives aux travailleurs en enceintes ferroviaires souterraines ne permettent pas de statuer sur les risques à long terme. Bien que leur toxicité ait été à ce jour peu documentée, les données toxicologiques disponibles suggèrent qu’à concentration massique équivalente, elles sont au moins aussi toxiques à court terme que les particules de l’air ambiant extérieur.
L’expertise de l’Agence conclut qu’une inflammation des voies respiratoires et des effets consécutifs à cette inflammation sont probables en lien avec une exposition chronique aux particules des enceintes ferroviaires souterraines. Par analogie avec les risques sanitaires bien documentés des particules de l’air ambiant extérieur, des effets délétères sont attendus sur la santé cardiovasculaire et respiratoire. Sont concernés les travailleurs exerçant notamment dans les domaines de l’exploitation du transport, l’organisation du transport et des services, les commerces, la police, la sécurité, la prévention et l’action sociale. Les risques sanitaires sont vraisemblablement plus élevés pour les travailleurs en charge de la maintenance des infrastructures compte tenu des émissions des motrices diesel et des travaux de maintenance.
Les recommandations de l’Agence
Dans ce contexte, l’Agence recommande la mise en œuvre et la poursuite de mesures de prévention et de réduction des expositions pour l’ensemble de ces catégories de travailleurs et en particulier pour ceux en charge de la maintenance des infrastructures.
Au vu de l’absence de données scientifiques sur la toxicité à long terme des particules présentes dans l’air des enceintes ferroviaires souterraines et du corpus d’études épidémiologiques encore peu informatif pour évaluer les risques sanitaires liés à l’exposition chronique de cette population de travailleurs, l’Anses recommande que des travaux spécifiques soient conduits pour acquérir de nouvelles connaissances.
L’Anses suggère par ailleurs d’élaborer une valeur limite de gestion et de renforcer le dispositif de surveillance de la qualité de l’air de l’ensemble des réseaux afin de pouvoir évaluer l’efficacité des mesures d’amélioration de la qualité de l’air et de réduction des expositions des travailleurs.
Réduire la pollution de l’air ambiant dans son ensemble reste la priorité
L’Agence rappelle que la priorité de santé publique concerne la réduction de la pollution de l’air ambiant dans son ensemble. Dans ce contexte, le recours à des moyens de transport moins polluants que le transport routier, dont le transport ferroviaire, reste à encourager.
La pollution de l’air subie par les usagers du transport routier apparaît plus préoccupante pour la santé que la pollution de l’air des enceintes ferroviaires souterraines compte tenu des concentrations élevées au sein du trafic routier pour plusieurs polluants dont la toxicité est avérée, notamment : le nombre de particules fines, le carbone suie, des gaz comme le monoxyde de carbone, le dioxyde d’azote, le benzène et le toluène.