Technologies 3D et vision
Usage déconseillé aux enfants de moins de 6 ans, à modérer jusqu’à 13 ans
Ces dernières années ont vu le développement rapide de nouvelles technologies audiovisuelles en trois dimensions stéréoscopiques, communément appelées « 3D ». Après la multiplication des films en 3D au cinéma au cours de la dernière décennie, aujourd’hui l’offre de téléviseurs, de consoles de jeux domestiques ou de téléphones mobiles « 3D » se développe. Considérant le développement de l’offre de ces applications, notamment à destination du grand public, et l’apparition de messages de prévention visant à restreindre l’usage de ces consoles aux enfants de plus de 6 ans, l’association « Robin des Bois » a saisi l’Anses en 2011 afin qu’elle analyse les données scientifiques sur les risques liés à l’utilisation des consoles de jeux 3D pour enfants. Au vu du manque de données alors disponibles, l’Anses a décidé de s’autosaisir pour évaluer les risques sanitaires liés à l’ensemble des technologies en 3D.
Ces dernières années ont vu le développement rapide de nouvelles technologies audiovisuelles en trois dimensions stéréoscopiques (3Ds, souvent appelées « 3D »). Des fabricants de téléviseurs ont soutenu l’offre de produits permettant la vision de programmes (films de fiction, évènements sportifs et culturels, etc.) en trois dimensions en utilisant des procédés qui nécessitent ou non le port de lunettes spéciales. En mars 2011, la société Nintendo a mis sur le marché européen la console de jeux « Nintendo 3DS » qui permet pour la première fois à l’utilisateur de percevoir des images en 3D sans nécessiter le port de lunettes spécifiques.
Le développement de ces technologies « 3D » pose cependant la question de leur impact sur la vision. Nintendo a d’ailleurs accompagné la mise sur le marché de la console « Nintendo 3DS » d’un message de prévention affiché notamment sur l’emballage externe du produit :« l’utilisation de l’affichage 3D par un enfant de six ans ou moins pourrait endommager sa vue. Par conséquent veuillez observer les recommandations suivantes :
- seuls les enfants de plus de six ans peuvent utiliser l’affichage 3D ;
- si la console est susceptible d’être utilisée par un enfant de six ans ou moins, l’affichage 3D doit être bloqué par un parent ou tuteur à l’aide de la fonction de contrôle parental. »
Dans ce contexte, l’Agence a été saisie en janvier 2011 par l’association « Robin des Bois » d’une demande d’expertise et d'avis concernant l'utilisation d'une console de jeux « 3D ».
Manque de données scientifiques disponibles
Pour répondre à cette sollicitation, une analyse bibliographique aussi exhaustive que possible a été effectuée par l’Agence. L’analyse de la littérature scientifique recueillie a été soumise à des experts en ophtalmologie, en orthoptie et en sciences cognitives. L’Agence a également procédé, en mai 2011, à l’audition de la société Nintendo afin que ses représentants puissent présenter les éléments scientifiques qui ont appuyé leurs avertissements relatifs à l’usage de la console de jeux « Nintendo 3DS ». Nintendo a fourni lors de cette audition une documentation complète sur les avertissements relatifs à l’utilisation de cette console, ainsi que les articles scientifiques qui lui ont permis d’établir l’analyse des risques à la base de ces avertissements.
Dans son avis publié en juillet 2011, l’Agence met alors en évidence le manque de données disponibles sur les effets sanitaires potentiels des consoles de jeux « 3D » pour enfants. De plus,l’avis souligne la difficulté à déterminer l’âge à partir duquel le système visuel a atteint sa maturité, les âges cités dans la littérature scientifique variant en effet de 6 à 10 ans.
En conséquence, l’Anses a estimé qu’il n’était pas possible de se prononcer sur les risques sanitaires relatifs à l’usage de consoles de jeux « 3D » pour enfants et de déterminer un âge précis à partir duquel l’exposition aux images « 3D » des consoles de jeux n’affecterait pas le développement visuel de l’enfant.
Cependant, certaines études scientifiques suggèrent que lors de la visualisation d’images en « 3D », la fatigue visuelle semble apparaître plus vite et de manière plus intense qu’avec des images en deux dimensions. Par ailleurs, les technologies « 3D » sont en constante évolution et l’offre de matériel audiovisuel « 3D » sur le marché, notamment à usage domestique, se développe rapidement. Les populations qui peuvent être exposées aux différentes technologies « 3D » sont très diversifiées (enfants, population générale, travailleurs, etc.). Ces technologies sont de fait accessibles à des enfants dont le système visuel est en cours de développement.
Dans ce contexte, l’Anses s’est auto-saisie en 2011 pour élargir le champ d’investigation et conduire une expertise des risques sanitaires liés à l’ensemble des technologies audiovisuelles « 3D ».
L’analyse de la littérature scientifique réalisée depuis 2011a permis d’identifier différents symptômes pouvant être liés à l’exposition aux interfaces audiovisuelles en « 3D », et qui résultent de la fatigue visuelle due au « conflit accommodation-vergence ». En effet, dans le monde réel, pour percevoir la profondeur et le relief, les yeux convergent (c’est-à-dire sont orientés vers le même objet) et accommodent (le cristallin de chaque œil se déforme pour obtenir une vision nette) à la même distance, c'est-à-dire à la distance de l’objet observé. La technique de la restitution en « 3D » ne permet pas de respecter ce principe physiologique. L’accommodation (sur un écran par exemple) et la vergence des yeux (sur un objet situé en avant ou en arrière plan de cet écran) ne se font ainsi pas à la même distance.
La fatigue visuelle lors de l’exposition aux interfaces audio-visuelles en « 3D » peut se traduire par exemple par : une fatigue et des douleurs péri-oculaires, la sensation d’œil sec, des troubles de la vision (vision double, sensibilité réduite aux contrastes spatiaux, diminution de l'acuité visuelle et de la rapidité de perception), des troubles extra-oculaires (maux de tête, douleurs au cou, maux de dos et aux épaules, baisses de performances dans les activités mentales, pertes de concentration).
D’autres symptômes peuvent apparaître, notamment des effets liés à l’équilibre postural (vertiges) ou des effets liés à l’appréciation du réel (altération de la perception de l’environnement). Ces effets restent toutefois encore mal étudiés, mais pourraient générer un risque accidentel ponctuel lié aux vertiges.
Chez l’enfant, en particulier avant l’âge de 6 ans, pourraient apparaître des effets sanitaires plus marqués liés au « conflit accommodation-vergence » des yeux, du fait du développement actif du système visuel pendant cette période (accommodation, vergence, maturation des voies visuelles, etc.), et ce d’autant plus que la qualité des contenus 3D, en matière de confort visuel, s’avère très hétérogène, malgré l’existence de recommandations techniques.
Les recommandations de l’Agence
Dans ce contexte, l’Anses recommande dans ses avis et rapport :
- de déconseiller l’exposition aux technologies « 3D » aux enfants de moins de 6 ans ;
- que les enfants de moins de 13 ans aient un usage modéré des technologies « 3D », et qu’ils soient, ainsi que leurs parents, attentifs aux éventuels symptômes induits ;
- que les personnes sujettes à certains troubles visuels (troubles d’accommodation, de vergence, etc.) et de l’équilibre limitent leur exposition à ces technologies, notamment dans des contextes d’exposition professionnelle.
Compte tenu du manque de données concernant l’exposition de la population aux technologies 3D, l’Anses recommande d’identifier les usages de la « 3D » ainsi que les populations concernées, de mieux caractériser les expositions des différentes populations (adultes, enfants et adolescents, utilisateurs professionnels) et de mettre en place un suivi des expositions.
L’Agence fournit par ailleurs une série de recommandations pratiques afin de limiter la fatigue visuelle ou d’autres symptômes chez les utilisateurs de ce type de technologies. Elle recommande ainsi :
- aux personnes ressentant des symptômes lors de l’exposition à des interfaces en « 3D » de limiter leur temps d’exposition et de consulter un ophtalmologiste afin de dépister d’éventuelles pathologies ;
- de ne pas se positionner trop proche de l’écran : en effet, plus le spectateur s’en éloigne, moins il subit de contraintes sur son système visuel ;
- de respecter les instructions des constructeurs de dispositifs « 3D » ;
- de conserver ses corrections optiques pendant la visualisation de contenus en « 3D » ;
- et que les créateurs de contenus « 3D » limitent les effets produits en respectant les recommandations techniques existantes visant à produire des contenus de qualité ;
Enfin, l’Anses incite à la sensibilisation des professionnels médicaux et paramédicaux de la petite enfance et des ophtalmologistes sur les mécanismes mis en jeu lors de la visualisation d’interfaces en « 3D ». Ainsi, ils seront en mesure d’informer les parents des symptômes et risques potentiels mais aussi des moyens d’y remédier.